Hécate au Jardin des Nymphes par Nadège Quinssac 🌙

Pour ce troisième rendez-vous où le Jardin d’Hespéris revient au Jardin des Nymphes chez Kala Beauté Créatrice, quelle joie de partir à la rencontre de la Déesse Hécate pour la Cure Lunaire en deux phases.
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Hécate est une Déesse bien trop souvent envisagée sous son aspect sombre, inquiétant, voire effrayant, qui correspond à l’image de la Déesse de la Mort qui lui colle à la peau.
Et en effet, elle est invoquée par les Magiciennes-Sorcières antiques pour ensorceler, envoyer des charmes comme des sortilèges. De nombreux hymnes comme poèmes lui sont dédiés dans ce sens, en tant que « Reine redoutable, amie nocturne des chiens, précédée des cris de bêtes, invincible… »
Voici Hécate qui s’avance vers nous, drapée de son manteau, une torche à la main, majestueuse et d’un charisme à couper le souffle.
Je suis avant tout une Déesse assimilée aux phases lunaires, souvent associée à la triple Déesse, ou la Déesse aux 3 visages, car je veille depuis fort longtemps sur les 3 Directions (Souterrain, Terre et Ciel dans une parfaite verticalité) incarnant avec force la symbolique de la triade et du chiffre 3 dans l’Antiquité. La culture celtique me rapproche de Ceridwen qui relie la Terre, le Ciel et l’Eau.
Et ainsi, on me perçoit comme une Déesse protectrice et bienveillante. Incarnant même la Femme Sage dans ma maturité qui a tant vu, tant vécu, tant observé, tant ressenti, avec cette fine connaissance des cycles de la vie, et des vicissitudes de l’existence.
En effet, Hésiode, auteur grec de la Théogonie, autrement dit la naissance des dieux, parle de moi en termes élogieux, me désignant telle que je suis, une Déesse de la Fertilité, bienveillante envers les humains, je procure de nombreuses faveurs dans des domaines très variés, je protège les navigations, les forêts, je dispense richesse, abondance de prospérité, sagesse et bonne fortune à qui me fait confiance et sait m’honorer comme il se doit.
J’aime énormément les seuils, les passages, qu’il s’agisse des carrefours, des routes, des portes de maisons. Beaucoup de statues me représentant à 3 têtes sont disposées aux carrefours, à la croisée des chemins, et à leurs pieds, on y dépose des offrandes, souvent des victuailles, des fruits comme les pommes mais mon péché mignon réside dans des gâteaux en forme de croissant de lune, généreusement aromatisés de doux miel ambré.
La liminalité est ma sphère de prédilection, j’oscille entre les mondes en descendant dans les profondeurs souterraines des Enfers, appelée en grec la catabase, ce qui m’apparente à la Reine de la Mort que je suis, mais en tant qu’accompagnante pour guider les âmes défuntes qui rejoignent les différents espaces des Enfers autant que les héros descendus dans les entrailles de la Terre pour y puiser une source d’enseignements de leurs chers disparus et une forme de sagesse à intégrer dans leur vie lors de la remontée sur Terre, l’anabase.
Oui, je règne sur le monde des ombres et j’ai accompagné de mes torches flamboyantes Perséphone quand elle est venue aux Enfers enlevée par son futur époux, le dieu Hadès, j’ai guidé de mes lumières Déméter qui recherchait, éplorée, sa fille disparue… je suis le trait d’union entre le monde d’en bas et le monde d’en haut et je mérite mon épithète de Lampadophore ou Porteuse de Torches, ou encore celle de Phosphorescente, la Lumineuse.
J’apporte aux hommes la connaissance et le savoir des mondes, de leur passé, présent et futur. Je distille la sagesse à chacun de mes voyages avec ceux que j’accompagne.
Je suis une facette de la Femme Sage.
Mais lorsque je suis appelée pour la magie noire, je peux me retourner contre ceux qui m’invoquent et là, je fais gronder et trembler la terre, hululer les chouettes et hurler les chiens, je suis couronnée de serpents et je suis appelée la Chthonienne, la Déesse des entrailles de la Terre qui remonte à la surface, entourée de ma meute de chiens… oui on me craint dans cette folie, mais il est bon de rappeler que l’on ne doit pas invoquer les rituels de magie noire à la légère.
A contrario, appelée pour guérir dans les pratiques de magie blanche, je suis à même de délivrer des médecines, arborant les rameaux du chêne ancestral, garants de ma sagesse intemporelle, et usant de mes connaissances en matière d’arts magiques, ce qui me vaudra d’être la Déesse des Pharmakeutriai, les Magiciennes-Sorcières antiques, telles que la Grande et Célèbre Circé.
Je tisse des liens étroits avec la Femme Sage et je suis une accompagnante protectrice pour quiconque se lance dans son propre voyage intérieur, en étant le canal qui relie le monde des ombres à celui des hommes, à la lumière de mes torches et grâce aux clés que je porte sur moi et qui font entendre leur cliquetis à chacun de mes pas.
Le Saule est un de mes arbres fétiches pour sa magie lunaire et son genre féminin en grec, associé à la lune, au féminin, aux émotions, à l’eau, à la sensibilité : il m’est d'une aide précieuse et un allié sûr dans mes rituels et pratiques de guérison, autant pour son bois que pour son écorce.
Enfin, je vous dirais combien je suis également attachée à tisser des liens avec la Doulè, devenue en français la Doula, c’est-à-dire la Sage-Femme qui assiste aux accouchements et aux délivrances lors des naissances.
D’abord, je suis souvent associée à la phase de la nouvelle lune, celle des commencements et des (re)nouveaux et je suis confondue, fusionnée en quelque sorte, avec Artémis, visage de la nouvelle lune et Déesse protectrice des nouveau-nés.
Ensuite, je suis appelée à couper le cordon ombilical comme garante de cette transition et de ce passage qui fait entrer le nouveau-né dans un nouveau monde après avoir franchi différents seuils pour naître et arriver à la lumière du jour.
Puis un jour, je fus associée de très près à un accouchement particulier.
Galanthis, la Doulè d’Alcmène, m’avertit des terribles souffrances de sa maîtresse, sur le point d’accoucher de son fils, le futur héros, Héraclès, mais que la Déesse Héra retenait dans les entrailles de sa mère pour faire souffrir Alcmène sur le point d’accoucher d’un enfant conçu avec Zeus, lors d’un énième adultère de la part du dieu des dieux.
Galanthis élabora un stratagème pour permettre au nouveau-né l’accès à la lumière et je fus fascinée de son dévouement envers sa maîtresse à tel point que lorsque Héra voulut la punir pour avoir contrarié ses projets, je la sauvai de ses griffes vindicatives en la transformant en un magnifique chat noir au pelage brillant et somptueux, et depuis, Galanthis est toujours à mes côtés sous les traits d’un beau chat noir.
Ainsi, vous comprendrez combien il était important de me présenter à vous par moi-même sans omettre une de mes facettes afin de rétablir un portrait juste et équilibré.
Alors quand le Jardin des Nymphes s’est ouvert à moi, je me suis réjouie d’occuper la place hiémale de la Cure Lunaire en deux phases. Elle me correspond à plus d’un titre.
Déjà le nom de cette cure est en parfaite osmose avec la relation intime et profonde que j’entretiens avec la Lune.
Puis les deux temps de cette Cure m’ont séduite :
La première phase: Pleine lune 🌕 ↠ Lune décroissante 🌖 🌗 🌘
La Détoxifiante, représente la phase d’allègement tout comme lorsqu’il s’agit de faire face à ses ombres lors de la descente : la catabase, où je guide de mes torches celui qui cherche à se confronter à ce qui est devenu oppressant pour lui, et trop lourd à porter, je l’accompagne pour se dévêtir de peaux devenues inutiles, se dépouiller du superflu, qui pèse et alourdit.
Et ensuite, la seconde phase: Lune noire 🌑 ↠ Lune croissante 🌒 🌓 🌔
La Tonifiante, symbolise la remontée, l’anabase, vive et dynamique, repulpée par les enseignements reçus, des choses vues, comprises et ressenties lors de ce voyage.
Similaires aux cycles saisonniers, incarnés par Perséphone dans sa descente entre automne et hiver et sa remontée qui gerce la Terre de sa poussée et de son éclosion au printemps pour atteindre son apogée en été.
Suivons à présent Hécate à travers le Jardin pour découvrir les plantes qui composent sa Cure Lunaire.
Pour la première partie de cette balade à la découverte de la Cure Lunaire, Hécate nous invite à nous rapprocher de la Reine-des-prés, et à observer son allure fière et altière, qui la fait s’élever à 1 mètre 50 de haut, arborant fièrement ses fruits en forme de spirale, qui sont comme suspendus à un fil, et qui séduisent par leur doux parfum délicatement odorant les abeilles, elle est ainsi parfois surnommée Fleur des abeilles. Cette plante était utilisée pour aromatiser vin et hydromel.
Ses propriétés médicinales étaient déjà connues dans l’Antiquité pour lutter contre les maux de l’hiver, pour ses vertus décongestionnantes, qui luttaient contre les maux de tête, les douleurs articulaires et musculaires, et pour ses propriétés diurétiques.
Les Anciens l’utilisaient pour la confection de couronnes très aériennes offertes aux Génies des marais, les Sylphides.
A présent, Hécate nous mène à la rencontre du Frêne, l’arbre de la solidité, l’arbre de la vie, que les Scandinaves chérissent plus que tout et que déjà les Anciens faisaient être le Père des autres arbres et même de l’homme guerrier appartenant à l’Age du Bronze.
La silhouette majestueuse du Frêne nous indique son règne sur les autres arbres de la forêt et nous en dit long sur sa forte symbolique associée à la robustesse, à l’apaisement et à la renaissance.
Hécate nous apprend que le frêne était un arbre associé au dieu des mers, Poséidon, qui, de son trident, pouvait faire trembler la Terre en remuant les flots de la mer houleuse et ainsi, devenir le dieu des séismes lors desquels, après la mort et l’engloutissement, la vie pouvait renaître.
La solidité de l’arbre est déjà attestée dans l’Iliade d’Homère, on se sert de son bois pour fabriquer des armes, des javelots et les manches des lances, le javelot d’Achille en frêne fend d’un coup direct le bouclier d’Hector, alors soumis à la merci de son adversaire.
On disait que cet arbre de vie, appelé en grec « mélia », de genre féminin, abritait en ses feuillages les Méliades, les nymphes des frênes, qui protégeaient enfants, bergers et troupeaux qui venaient sous ses ramures. Le Frêne passait pour éloigner les serpents comme son suc soignait leurs morsures. Un arbre magique de tout temps qui possède des vertus drainantes, anti-inflammatoires et anti-rhumatismales, mais aussi des propriétés fébrifuges.
A présent, Hécate nous rappelle les grands bienfaits de la Vigne Rouge, remède naturel antique dans toutes les pharmacopées, avec ses pouvoirs détoxifiants et permettant l’élimination de l’eau excédentaire logée dans les tissus.
Mais c’est surtout le Sureau, qu’elle nous révèle dans sa poétique étymologie de [sambukè], qui signifie « la flûte » et qui était très appréciée des jeunes enfants mais aussi des pâtres et bergers qui s’en confectionnaient en gardant leurs troupeaux dans les champs. D’où son nom scientifique de « Sambucus nigra » en raison de ses baies noires, après avoir développé aux beaux jours du printemps ses corymbes blancs, couleur crème et parfois rosés, à l’odeur miellée et délicate, qui est un suc pour les abeilles, et d’autres pollinisateurs tels que les papillons.
Hécate nous invite à une comparaison entre le Sureau tout à tour blanc puis noir et son ambivalence à elle : elle est, elle aussi, la Déesse de l’obscurité et des profondeurs sombres tout autant que la Déesse Phosphorescente, Déesse de la lumière qui apporte un éclairage sur soi, après avoir accepté le voyage dans ses propres profondeurs.
Le Sureau appartient à la famille des Caprifoliacées, littéralement, « les feuilles de la chèvre », rappelant un cousin qui est le chèvrefeuille lui aussi au délicat parfum, et se justifiant pleinement par ses feuilles qui ne cessent de grimper, comme pour abriter des êtres subtils et aériens, il est aussi appelé « l’arbre aux fées ».
Les médecins et naturalistes grecs, Hippocrate et Théophraste, le prescrivent dans la dynamique d’une médecine purgative car le Sureau facilite la circulation des fluides, on l’appelle « hydragogue », il a la capacité de faire circuler l’eau pour éviter toute rétention, il facilite également l’élimination, et a des vertus drainantes. Les baies de sureau noir protègent contre les maux du froid hivernal et étaient aussi utilisées comme teintures fort appréciées dans l’Antiquité pour ses nuances particulières.
A présent, Hécate nous propose la dernière partie de la balade à la découverte de l’autre facette de la Cure Lunaire.
Elle passe rapidement sur les plantes que nous avons déjà côtoyées et décryptées aux côtés de Thalie et de Thémis :
L’Eglantier, [Kuon Rhodon] en grec ou « Rosa Canina » en latin, comme souvenir du bouton d’Eglantier guérisseur des morsures de chiens enragés.
Le Pin Sylvestre, arbre protégé des dieux dont la résine était appelée « la sueur » divine, qui passait lui aussi pour un « arbre-nymphe », très important dans le culte de la Déesse-Mère Cybèle, et dont les pommes de pin symbolisaient la fécondité, la vigueur fertile.
Les pignons eux-mêmes étaient précieusement conservés dans des vases d’argile, ou cuits dans du miel, pour lutter, le moment venu, contre les infections respiratoires de l’hiver avec des vertus désinfectantes, antiseptiques, et expectorantes.
Et le Romarin, cette plante sacrée, cette plante puissamment aromatique, tonifiante et revitalisante, appelée aussi « plante coronale » dès l’Antiquité, car elle était tressée aux végétaux favoris des couronnes pour les jeunes mariés, mais également liée au subtil, au supérieur, comme une plante protectrice du mauvais œil.
En revanche, Hécate souhaite ardemment nous faire découvrir la Sauge et la Mélisse comme composantes de cette Cure Lunaire dans sa seconde phase, l’Energisante.
La Sauge, la Salvia officinalis, la Salvatrice, qui entre avec le Romarin et le Thym dans le trio sacré des plantes aromatiques qui ont le privilège d’être brûlées sur les autels des divinités pour les purifier avant toute cérémonie.
Elle était même réputée rendre immortel au vu de ses très nombreuses vertus. C’est une véritable panacée en mémoire de la Déesse Panacée, fille du dieu de la médecine, Asclépios, qui avait des remèdes à tout, c’est une plante qui, selon les Anciens, guérit tout.
Hécate nous apprend que la Sauge était utilisée pour apaiser les douleurs menstruelles des femmes, héritage égyptien pour cette plante qui tissait intimement avec le système hormonal des femmes. Elle est d’ailleurs appelée en Espagne, l’herbe de Marie.
Chez les Anciens, elle est cueillie selon un rituel sacré : à la main, très délicatement, avec révérence, dans une toge immaculée et pieds nus, elle est apparentée à l’épithète de « Salvia Divinorum » : la Sauge des Devins. Cette plante est associée à Zeus pour ses multiples potentiels et sa protection.
Et il était préconisé d’en prendre trois feuilles avec du lait miellé pour soigner rhumes et maux de gorge, elle est antivirale et bactéricide. Elle régule aussi les troubles digestifs, prise en infusions régulières.
Enfin, avec le Romarin, et ses puissants antioxydants, elle s’avère tonifiante.
Hécate nous livre un ultime secret de la Sauge : elle améliorerait la mémoire aux dires du naturaliste latin du 1° siècle de notre ère, Pline l’Ancien.
Et c’est tout naturellement que la Sauge est associée à la grande sagesse ancestrale de la Déesse Hécate et de ses puissants pouvoirs magiques.
Hécate nous entraîne ensuite, au terme de cette promenade champêtre, dans son coin préféré du jardin, le carré de la Melissa officinalis, la Mélisse, du grec [melissophullon], « la feuille à miel », « la feuille à abeille ».
Cette plante mellifère est tout particulièrement appréciée dans l’Antiquité car frottée aux ruches, elle empêchait les essaims de fuir, en conservant l’odeur de miel si rassurante pour eux.
Il est toujours bon d’avoir un carré de mélisse dans son jardin, disaient les Anciens.
Hécate souligne que le Père de la Médecine du V° siècle avant J.C. , Hippocrate, préconisait la Mélisse pour calmer et apaiser l’agitation du système nerveux. Elle sera très rapidement adoptée pour apaiser des migraines, pour diminuer les palpitations et tonifier en redonnant de l’énergie.
Cette plante, à l’ADN mythologique, entretient un lien étroit avec la Déesse Mélissa, fille du roi de Crète Mélissos.
Mélissa, qui signifie en grec « abeille », passe pour avoir découvert le miel qui coulait le long du tronc des arbres lors d’une promenade en forêt et, en en rapportant, on dit qu’elle en nourrit Zeus, et ainsi, il fut élevé, en compagnie de deux substances nourricières maternelles, le lait de la Chèvre Amalthée et le miel de la Déesse Mélissa, au service de la Terre-Mère.
Nous remercions alors Hécate de ses éclairages, de son apprentissage, de sa source de lumière, à propos de sa Cure Lunaire, et nous comprenons combien elle détient les clés du savoir, de la connaissance et des mystères de la vie.
Elle est définitivement la Déesse Sage, qui assume sa face sombre, ténébreuse, nécessaire à l’hiver mais qui éclaire grandement à la lueur des rayons lunaires et de ses torches flamboyantes qui ne s’affaiblissent jamais pour nous guider encore et encore…
Alors au cœur de la saison hiémale, pour s’envelopper de douceur moelleuse en même temps que pour se tonifier afin de ne pas être aux prises avec les maux du froid, faisons confiance à Hécate et laissons-nous être appelés par sa Cure Lunaire…
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